Rétroaction

 Rétro-ActionFace à l’Association de la Presse Présidentielle (13 février 2018), Emmanuel Macron avoue, faussement modeste, qu’il n’est que la conséquence de ce qui s’est passé avant lui, le résultat du mal être des Français. Cette mise au point qui ne constituait pas le fond de son discours plus orienté vers le règlement de l’épineux problème du retour d’un service national, n’en révèle pas moins les contours de la pensée complexe de notre président philosophe et de la conduite qu’il a tenue jusqu’à présent.

En penseur pragmatique, plus proche d’un Calvin que d’un Rousseau, il met en pratique les principes de ses maîtres quitte à refuser d’en explorer tous les possibles et de tenter de les dépasser. Il a parfaitement analysé les aspirations profondes de nos concitoyens, à la fois rationnelles et nostalgiques d’un temps qui n’est plus. Et ces aspirations étaient parfaitement lisibles au moment du vote. Les Français refusèrent majoritairement toutes les véritables politiques du changement (écologiques et altermondialistes ou nationalistes et ultra sécuritaires ) des uns et des autres, entre autres, Hamon, Mélenchon et Le Pen.

Dans les faits, si l’on s’en tient aux réformes déjà accomplies ou en cours, on s’aperçoit qu’en dépit de la politique du « en même temps », il n’en reste que des aspects régressifs associés à une touche de modernité superficielle.


En matière d’emploi, on casse l’outil syndical sans pour autant le moderniser, on retourne vers de la précarité ( contrats courts, contractuels, mi-temps, salaires minorés, voire, plus de salaires du tout mais autoentrepreneuriat). En matière de protection sociale et de santé, on aggrave les coupes budgétaires et on dégrade le service public au profit de l’entreprise privée ( assurances, cliniques, écoles, transports etc …).
En matière d’éducation, on en revient à une forme de sélection en privilégiant l’enseignement court (primaire et apprentissage) et en limitant l’accès à l’université tout en recourant à des vieilles recettes du passé (préconisation de la syllabique, des tables de multiplication, des dictées quotidiennes, de la morale républicaine, du redoublement, de la blouse grise des enseignants – évoquée sans rire par Mr Blanquer, ministre de l’Éducation Nationale – et bientôt des devoirs à la maison).
En matière de médias, on réintroduit une forme de censure en voulant redéfinir les missions de l’audio-visuel public, en proposant d’encadrer l’internet et en laissant se multiplier les procès contre la presse indépendante ( Médiapart ou l’Ebdo).
En matière de mœurs, on fustige la liberté, la liberté d’expression, la liberté de création et la liberté sexuelle qu’on associe volontiers à la débauche qu’elle soit visuelle, verbale ou gestuelle, une forme de retour du puritanisme. Paroles d’une sociologue se prétendant féministe sur France Inter. «  Les affaires révélées par Me Too (violence faite aux femmes) sont les conséquences de la liberté sexuelle prônée par les gauchistes de 68 » Bel exemple de récupération à des fins politiques. Les femmes ne rejettent pas la libération sexuelle, elles y ont participé. Elles veulent seulement la vivre sur un même pied d’égalité !

Si l’on se réfère aux actions régaliennes du pouvoir, on y voit un renforcement des autorités policières, militaires, stratégiques et diplomatiques pour assurer la permanence de la puissance mondiale française en réitérant un soutien appuyé à des régimes non démocratiques (Turquie, Soudan ou Nigeria), le tout enrobé d’un discours qui se veut gaullien avec le refus de remettre en cause la parole du chef. Et le Président ne se prive pas de le rappeler quand il répond ce même mardi qu’il n’a pas pu tenir sa promesse de ne laisser personne dans la rue tout simplement parce que la France a subi récemment un afflux de migrants. Propos franchement nauséeux qui ne font que flatter le racisme latent. Et ce ne sont pas les premiers.

En fait, la révolution en marche de Monsieur Macron n’est ni une révolution ni une marche en avant, c’est simplement un retour en arrière et elle répond à une évidence, la nature conservatrice, timorée et docile de notre peuple que le souvenir des années de plein emploi et d’enrichissement infini, les trente glorieuses, émeut jusqu’aux larmes. Et, rappelez vous, en quelle année se situe le point de rupture ? En 1968 au moment où la jeunesse un peu mieux instruite sentit monter en elle un désir impérieux de liberté et d’émancipation. Alors fêter nationalement ces événements, comme il avait été évoqué imprudemment et peut être ironiquement l’année dernière, relève de la fake news. Le gouvernement et la présidence avec l’assentiment, il faut en convenir, d’une majorité des Français ne rêvent que d’un rétablissement des conditions des « belles » et premières années de la cinquième république, les années De Gaulle.

Jean-pierre bertalmio