La vie ne vaut rien…. Mais rien ne vaut la vie !

Cette crise sanitaire est inédite pour des sociétés évoluées. Dans le passé, d’autres pandémies ont régulièrement sévi (grippe, peste, choléra) et leurs conséquences ont été autrement plus dramatiques en termes de pertes humaines. Mais il s’agissait d’un autre temps. Les techniques médicales restaient primitives, l’espérance de vie faible, la mortalité infantile forte et les guerres incessantes. La mort n’avait pas le même caractère insoutenable.

Aujourd’hui, avec l’espérance de vie sans cesse en augmentation, on a vu gonfler l’espoir de vivre éternellement ou du moins de se perpétuer longtemps. Les maladies les plus complexes, cancer ou sida, myopathie, maladies dégénératives et même vieillissement semblaient sur le point d’être vaincues. Des philosophies nouvelles, le transhumanisme, nous parlaient d’un homme inaltérable. La mort nous était devenue lointaine, presque un tabou social.

On admettait à peine les accidents dus pour la plupart du temps, disait-on, à nos comportements déviants sur la route, dans notre hygiène de vie (tabac, alcool, alimentation) et nous étions punis pour ça (amendes et taxes). Bref, si nous mourions prématurément, c’était un peu de notre faute. Encore aujourd’hui, on attribue la pandémie du coronavirus à l’inconscience de quelques criminels mangeurs de pangolin, ce qui, certainement, est en soi une vérité.

Sauf que quand bien même il s’agirait de sa cause directe, la propagation du virus et sa létalité montrent clairement que nous ne sommes pas aussi puissants que nous pensions l’être et qu’un minuscule organisme remet en cause nos illusions d’immortalité. Le coronavirus, avec son effet d’électrochoc et le vent de panique qu’il sème dans nos sociétés high tech, replace la mort au centre de nos vies, la mort qui rôde, invisible, la faucheuse, celle qui peuple les poèmes et les légendes, nos cauchemars d’enfance et nos peurs d’adulte mais celle aussi qui nous fait mieux apprécier les durées, les moments dérobés à son inéluctable fatalité. Bref, le bonheur de vivre.

Si de cette crise on devait tirer une leçon, il faudrait qu’on revoie collectivement tous les exercices qui nous font apprécier la vie et qui satisfont à nos besoins de liberté, de fraternité, de créativité et d’amour. Prendre le temps de vivre lentement en savourant chaque instant, c’est le meilleur moyen de surseoir à la mort.

Jean-pierre Bertalmio

(Titre tiré d’une chanson de Souchon)

Photo : J.P.B.