Fêtes rebelles

Que fêter, par les temps qui courent ?! Pour commencer, le fait d’être vivant. « En vie », dit la rubrique de cet article. Ni estropié ni complètement blasé, pas encore indifférent, en tout cas résistant à l’indifférence. Bref, toujours sensible…

Là, je tâte mon corps, mon âme. Rien ne manque, enfin presque !

A chacun et chacune de compter combien d’années parcourues jusqu’à « maintenant et ici-même », dans quel état d’esprit, et ce qu’il peut bien rêver de sérieux pour 2017. Il y a toujours à faire.

Les Festivités de fin d’année, que certains trouvent pénibles et faux-jetons, sont l’occasion de procéder à une retraite délicieuse dans ses propres quartiers (cette année, « tring’quille » à la maison). Ou, si on se prête au jeu, d’en faire une fête inventive, ainsi que le point sur ses propres avancées en matière d’humanité personnelle.

Fi donc du L'éloge enft prenant photo tag Reu St-Malo 27.12.16temps qui passe, de la «vieillerie»
(dit parfois la génération glissant doucement du quadra au quinqua), du sang neuf de la créativité, que diable ! voilà ce qu’il nous faut.
Qu’apporte au monde d’être blasé, centré sur soi, pessimiste et râleur ? En cette époque qu’on peut qualifier de brute à ses heures, tant de détails intéressants sur cette planète méritent d’être retenus.

baby boy 3 monthsLes petites choses entre les grandes, par
exemple. Pas celles qui prennent toute la place dans notre tête, dans les médias, la bouche du commun (des mortels).

Non, celles qui en imposent, enthousiasment ; suscitent admiration, reconnaissance et, denrée rare : l’espoir. Toutes les actions « positives », qu’elles concernent l’humanitaire, l’environnement, l’ordinaire, le quotidien nous renvoient en miroir la possibilité d’une vie grand cru.

Haro sur la frénésie d’achats des « Fêtes », la gloutonnerie mercantile, le stress des embouteillages, le flux d’infos sordides dont on nous suffoque, brandies loin devant nous telles le spectre de notre futur. De même, lors du repas de Noël, oublions l’entêtement des aînés, l’image de ces parents que les années tendent à rendre tout menus, tout fragiles, le caractère inflammable de l’un, l’alcoolisme de l’autre, l’inquiétude chronique d’un troisième.

Si on cherchait plutôt à détecter nos points Gargotte Rue St-Malo Brest 27.12.2016de rencontre, à poser des passerelles, à rétablir la subtile proximité entre humains : sœurs,cousins, cousines, voisins voisines, proches et lointains ?! Tous pétris des mêmes besoins, des mêmes désirs. En somme, ce grand corps constitué d’une multitude unique : l’humanité, avec ses aspirations communes pas forcément irréalisables : vivre en paix, si possible pas trop pauvre, et entouré.

Ah et aussi aimé… pour ce qu’on est.

Certes nul n’échappe à son lot d’engueulades, de chagrins, de déceptions et d’enquiquinements divers à l’année. Néanmoins, comme le déclare John Donne en 1624, poète et prédicateur courageux (parvenu à ne succomber ni à l’aigreur ni au ressentiment, malgré le nombre de tuiles et de morts ayant malmené son existence) : « Aucun être humain n’est une île, complet à lui tout seul ; chaque homme est un morceau du continent. »Dans la foulée il complète : « La mort de tout homme me diminue parce que je suis membre du genre humain. »

Vivre la Rue tag rue St-Malo Brest 27.12.2016Renoncer à se battre pour un idéal, c’est aussi mourir. Juste que c’est plus insidieux que la mort « pour de vrai ».

Vu qu’il est irréaliste d’espérer des autres qu’ils nous améliorent l’existence, l’alternative la plus efficace est encore de s’y exercer soi-même, et pour les plus motivés, à embellir celle des autres. Si nous changions de vision ? En apprenant à observer alentour avec une attention plus fine, à nous considérer comme acteur de l’instant (quand bien même l’autre abruti m’a coupé la route. P… plus utain, ajoute sobrement Forrest Gump) ? A goûter ces moments minuscules, dérobés à une actualité volontairement dépeinte comme obscure, et ce sans être forcément super fortiche, exemplaire ou super entraîné ?

A faire cet effort infinitésimal délectable, pied de nez au moche et à l’intolérable. En un mot à ce qu’on croit fatalité.

Rue St-Malo Brest 27.12.2016Si on prend conscience du nombre de rebelles pacifistes à notre époque, de cette saine
insurrection dont parlent les films Solutions locales pour un désordre global (sorti en 2010 et toujours d’actualité), En quête de sens, Demain, et j’en passe, on ne peut que se réjouir. La rébellion pacifique est bien là. Elle passe par le collaboratif, le solidaire, l’innovant. Qui n’a pas entendu parler des Incroyables comestibles (à l’initiative de deux femmes anglaises pas bien riches, partageant leurs plantations de légumes au seuil de leur porte) ?

Qui n’a pas encore croisé les jardins partagés poussant de-ci de-là, au pied de HLM, à Brest, en banlieue parisienne, partout ?! Ou déambulé dans des rues envahies de pots de fleurs plantées par les habitants du quartier, ensemble ?

Cour envahie ds rue St-Malo Brest 27.12.2016La nature n’a pas besoin de discours pour démontrer qu’il est possible de renaître perpétuellement.

Les ordures que vomissent la haine, les extrêmes, la bouche de gens ignorants d’eux-mêmes n’empêchent pas la vie d’avoir le dessus. Avons-nous réalisé le nombre de désagréments (pour éviter d’écrire une fois de plus le mot « tragédie ») auxquels nous avons échappé ces dernières années, parce que nous étions « là » et pas ailleurs ? Les leçons à tirer de ce qui se passe en ce bas monde (que nous l’aimions ou le détestions) ?

Tout ce qui est advenu de bon, de salutaire, de chaque décision positive, engagée ? Au moment des attentats, a-t-on remarqué ceux qui ont été déjoués : les morts évitées, les vies sauvées ; la solidarité plus forte que le désespoir, la décision de vivre à fond quels que soient soucis et menaces ? La chute de ce qui est obsolète, la réflexion sur la santé, l’environnement, l’urgence de réaliser ses propres désirs, la beauté des héros ordinaires, la force d’un peuple soudé.

Même si nous sommes novices en la matière, c’est le bilan contraire de ce qu’escompte le terrorisme de tout poil. La fraternité prend le dessus, les barrières sociales tombent. Ce à quoi nous avons échappé, c’est la fermeture du cœur.

Qu’on ne nous taxe pas d’angélisme, il faut du courage et de la lucidité pour défendre le « bon ». Les temps ne manqueront pas de se durcir (les claques étant la seule manière efficace qu’ait trouvé l’univers de renvoyer à l’Homme à quel point il peut se montrer stupide et combien il est urgent qu’il comprenne où sont les vraies priorités). Autant donc profiter de tout ce qui mérite d’être vécu.

Bref, pour vivre une bonne vie, fêtons-la à hauteur de ce qu’elle vaut, soyons acteurs de ce que nous voulons. Gaffe à ce spectateur sceptique et amer qui prend parfois le dessus dans nos pensées, et que peut si habilement manipuler l’environnement insalubre de « l’information ».

Couple Ti gars et fille N&BQui fête le présent essaime l’avenir… A quoi bon vivre si ce n’est pour du beau, du bon et du bien fait ?!?

Comme l’a dit Gandhi qui savait de quoi il parlait : Vous ne devez pas perdre foi en l’humanité. L’humanité est un océan ; si quelques-unes de ses gouttes sont sales, l’océan n’en est pas souillé pour autant.

Tzëelia C. de Ronde
Article et photos sous Copyright, excepté Baby yawning et Couple d’enfants (Creative Commons).
15.1.2017