Finance éthique et épargne solidaire : un antagonisme révélateur

th-1

Connaissez-vous la finance éthique, la finance solidaire, l’épargne solidaire… toutes ces appellations, ces termes que vous devez lire dans différents médias mais qui sont parfois encore un peu obscurs pour certains d’entre nous? Je vais donc tenter d’expliquer comment je vois ces termes et comment vous pouvez y voir plus clair là-dedans, tout en vous faisant votre propre opinion.

Intégrées dans le grand monde sulfureux des banques, ces entreprises (souvent sous forme de coopératives, associations, fondations de la finance éthique et solidaire), défendent un autre modèle, un autre moyen de donner du sens à votre argent, en proposant des outils de placement. L’argent est un bien commun et il doit donc servir à la société et non pas à l’intérêt personnel de quelques-uns. Et c’est malheureusement bien ce qui se passe depuis des années ! Depuis notamment que les États, les nations ont perdu le pouvoir de créer la monnaie[1] au bénéfice de banques privées et des banques centrales.

Une labellisation contrastée

Ces termes, parfois un peu pompeux, permettent néanmoins au grand public de situer des organisations telles qu’Energie Partagée, Terre de Liens, La Nef… ; comme une sorte de label de la finance qui permet de mettre un cadre logique sur une activité de banque, de placements financiers.

Il existe notamment le label Finansol[2] qui garantit plus ou moins à l’épargnant que le produit choisi répond bien à des critères sociaux et environnementaux. Mais là encore, on peut émettre un bémol lorsqu’on lit dans les critères ceci : « Tout ou partie de l’encours de l’épargne (c’est-à-dire l’argent placé) est affecté au financement d’entreprises solidaires œuvrant principalement dans les domaines suivants : accès à l’emploi et au logement, soutien d’activités écologiques et à l’entrepreneuriat dans les pays en développement. ». Ce qui revient à dire qu’il n’y a pas de pourcentage précis garanti à l’épargnant. Vous pouvez donc très bien trouver ce label dans des banques comme la BNP, le Crédit Mutuel (groupe CIC), la Caisse d’Epargne (Groupe BPCE), etc. Pour exemple, et pas plus glorieux en matière éthique, l’un des placements labélisés Finansol qui a enregistré la plus forte progression en 2014 (+ 40 %) se trouve à la BNP ! il s’appelle FCP (Fonds Commun de Placement) OBLI ETHIS et vous pouvez trouver le détail du placement ici : https://www.finansol.org/produits-label/fcp- bnp-paribas-obli-responsable. On peut donc en conclure que ce produit, pourtant labélisé, n’est éthique que sur 5 à 10 % des fonds placés.

Des alternatives actives

A contrario, si l’on regarde du côté des organisations comme La Nef citée plus haut, Energie Partagée, Terre de liens ou d’autres, on s’aperçoit que les placements proposés ont vocation uniquement à financer des projets éthiques (à 100 %) sur l’écologie, le social ou le culturel. Par exemple, Energie Partagée vous propose de placer votre argent pour financer un projet citoyen d’énergie renouvelable comme l’éolien ou le photovoltaïque, que vous pouvez choisir, avec en échange une rémunération de cette épargne et un suivi complet du projet durant son développement. Soit une entière transparence sur l’utilisation de l’argent placé. Idem pour Terre de Liens qui propose de placer son argent pour financer des projets agricoles ou encore La Nef, seule coopérative financière en France à proposer des placements 100 % éthique, et dont l’épargne est utilisée pour financer son activité et surtout pour prêter à des projets à forte valeur ajoutée écologique, sociale ou culturelle.

Le but de ces organisations, de par leurs statuts, n’est pas de faire des bénéfices exponentiels comme c’est le cas des grands groupes bancaires (ex : BNP et ses milliards d’euros de bénéfices), mais de les répartir dans des investissements liés au développement éthique. Voire, de créer des fonds d’investissements pour prendre des parts dans des sociétés innovantes socialement et écologiquement. Aujourd’hui, et depuis plus de 30 ans, ces organisations démontrent qu’il est possible de faire autrement. Ce n’est pas simple, mais des alternatives au système financier en place sont possible.

Une épargne solidaire encore timide

Cette épargne solidaire gérée par la finance éthique et solidaire a encore du chemin à faire. Malgré une progression des encours de près de 24 % sur 2015[3] (soit + 8 milliards d’euros), cela ne représente que 0.19 % du total de l’épargne en France ! Idem, si l’on regarde les organismes qui gèrent la majorité des encours, ce sont les groupes BPCE (Caisse d’Epargne Banque Populaire) et leur filiale Natixis, BNP et Crédit Agricole qui sont en première ligne. La Nef par exemple ressort qu’à la 6e place du classement. C’est-à-dire que pour augmenter l’efficacité de ces placements « éthiques », il faudrait revoir le minimum exigé sur les placements d’entreprises engagées (non pas 5 ou 10 % comme le propose Finansol, mais viser 80/90 %) pour qu’il y ait une part beaucoup plus importante qui soit directement affectée au bénéfice des entreprises.

infographie-finance-solidaire-2015

Je rappelle que la France est l’un des pays qui compte le plus d’épargne ! Cela parait donc aberrant que cette masse monétaire disponible ne serve pas plus à notre économie. C’est exactement ce que propose la finance solidaire, engager le stock d’épargne pour prêter à des projets servant l’économie réelle et l’intérêt général. Ceci dans le but d’éviter la fuite des capitaux vers des paradis fiscaux ne servant qu’à enrichir, virtuellement, des sociétés dont on ne connait même pas l’existence.

Mais il y a encore nombre de sujet sur lesquels cette finance solidaire, apparentée également au concept de slow money[4] , pourrait être efficace. Ne pourrait-elle pas par exemple plus servir à financer l’émergence de projets en lien avec l’économie numérique et collaborative, souhaitant apporter une alternative aux grands groupes GAFA (Google Apple Facebook Amazon) ?

Ces organisations, dont le but est de redonner du sens à l’utilisation de l’argent, ont un rôle majeur à jouer dans les années futures, afin de capter cette épargne présente en France. Si nos élus, représentants politiques, ne font pas le premier pas, c’est alors à ces organisations militantes de faire leur part. Et également à nous, en tant qu’épargnant, à quelque niveau que ce soit, de mieux orienter notre épargne.

Mathieu GROS. 16/09/2016.

[1]          Pour en savoir plus sur la création monétaire : https://fr.wikipedia.org/wiki/Cr%C3%A9ation_mon%C3%A9taire#Controverse_autour_de_la_cr.C3.A9ation_mon.C3.A9taire

[2]            http://www.finansol.org/

[3]          Finance solidaire – le baromètre. La Croix Finansol 2016-2017. Page 2

[4]          http://www.capsens.eu/publications/slowmoney