Assourdissant, dérangeant, perturbant, anxiogène et parfois terrible, terrorisant même, le bruit a mauvaise presse dans nos sociétés blanches hautement cultivées, policées, aseptisées et silencieuses derrière nos fenêtres à triple vitrage.
Au fracas et aux cris, nous préférons nettement le chant mélodieux des oiseaux, les bruissements de la forêt, le clapotis des vagues et les sonorités cotonneuses des appels des animaux marins que nous reproduisons au plus près de la réalité à coups de méga-octets sur nos enregistreurs électroniques, en songeant parfois que nous faisons là œuvre de conservateur pour les générations à venir tout en sachant que les forêts sont dévastées, que les océans se vident et que le silence s’installe. Heureusement il reste la musique !
Mais laquelle, celle des symphonies, des douces mélopées orientales et des sirupeuses chansons d’amour que notre vague à l’âme distille sur des playlists ?
Ou l’autre faite de métal, de crissements, de chaos, de syncopes et de hurlements qui donnent l’image même de notre désarroi, de notre révolte et de notre envie de mordre, celle de la meute, de l’animal blessé, du volcan, de la tempête, du choc des blocs de banquise qui se détachent, celle de la furie, de l’émeute, des cris primaires et organiques, celle de toute une génération qui a mal et qui l’exprime dans la rue, dans les stades, sur les places publiques, celle qui n’a pas de règle, pas de préséance, pas d’interdit, pas de partition, l’anarchique, la spontanée, la vivante !
Celle que l’on a jouée sans tabous à la fête de la musique dans mon quartier, sur la place Jean Jaurès et sur le cours Julien. Au milieu des rires fracassants, des cris des enfants et des paroles fortes aux accents colorés et chantants, celle qui fait peur aux élites, celle du peuple !
Jean-pierre Bertalmio