Un joli matin sur le Cours Julien à Marseille, je flâne. C’est l’été, ou presque, et pourquoi pas une jolie robe ? Dans une boutique, j’entre. La marchande est amène, pas pressante pour deux sous, on papote. Soudain on entend des cris : dehors, un homme gueule, bouteille de bière à la main.
On se regarde, elle soupire. Ah, les cramés du quartier… Elle m’explique que depuis quelques temps, ils sont plus nerveux. Sans doute l’usage du crack qui est un excitant, contrairement aux autres drogues tendance assommoir. Elle s’y connaît, elle a fait du bénévolat dans une association de prévention, et parle d’un trafic à Noailles.
Mais alors, lui dis-je, ce n’est pas trop pénible de travailler comme ça, avec toutes ces bagarres ? Eh bien si, mais voilà : lassés de ce climat brutal, les serveuses et serveurs des bars limitrophes, souvent pris à partie lorsqu’ils tentent de repousser l’engatse hors de leurs terrasses, ont appelé les flics. À maintes reprises. Sans résultat. Ils ont insisté, et insisté, jusqu’à ce qu’un fonctionnaire de police leur explique que bon, il ne devrait pas leur en parler, mais vu la situation… Il leur suggère de se mettre à l’écart des caméras de surveillances, et de coincer les cramés les plus pénibles pour leur foutre une raclée, qu’ils comprennent qu’ils n’ont pas intérêt à recommencer. Car en vérité, au commissariat ils ont des consignes de ne pas moufter. Le quartier de la Plaine est en voie de rénovation, le Cours Ju est le prochain sur la liste. Vu comme les habitants, fort mécontents, ont réagi à l’absence de concertation sur le projet de la Plaine, l’idée de la Mairie est de laisser croupir la situation ici, pour que les riverains ne soient que trop heureux de tout nettoyage annoncé.
Je m’étonne : ça alors, c’est vraiment improbable un tel propos dans la bouche d’un flic !
Si vous saviez… soupire la commerçante. Bon. Je caresse encore quelques robes, mais finalement, je vais plutôt aller boire un café au soleil, le calme a l’air revenu.
Garaelle, 2016
Photo : Alexis – CC0 – Domaine Public