Samedi 20 mai, Marseille, Vieux-Port. 14h. Plein soleil. C’est l’heure de la marche pour les abeilles. La marche contre Monsanto. L’entreprise multinationale des OGM, celle qui privatise les semences, celle qui empoisonne la terre et le ciel, celle qui commercialise le Round Up, le violent herbicide, celle qui s’allie avec l’autre géant, Bayer, pour mieux intoxiquer la nature. Ce mouvement contre Monsanto est mondial, il existe depuis 5 ans. A Marseille, quelque 500 personnes s’apprêtent à se mettre en marche, pour reprendre une expression plutôt dans l’air du temps.
L’air du temps, justement, est à forte tendance politique. Et peu avant son départ, la marche se trouve tout à coup piratée par une démarche. Celle d’un candidat aux élections législatives dans le centre-ville de Marseille, venu sur place faire un coup de pub, un coup de com. Jean-Luc Mélenchon est sûrement en accord avec le mot d’ordre de la manifestation et il est bien libre de s’y joindre. Mais sa démarche semble contraire à la marche. Ce n’est pas qu’il n’y soit pas bienvenu. Au contraire. Tout le monde y est le bienvenu. Ce qui choque et fait grincer parmi les manifestants, c’est la méthode. Les affiches France Insoumise, les militants siglés de leurs badges ou de leurs autocollants, les pancartes avec le visage du candidat. Il y a comme une récupération de l’événement qui pour beaucoup de personnes ne passe pas. Les Insoumis se sont greffés à la marche en dernière minute, certains le vivent comme un parasitage. Une confusion qui risque de brouiller le message initial.
Politiques et citoyens
Par sa simple présence, Jean-Luc Mélenchon détourne les projecteurs. Une petite ruche médiatique et militante s’est formée autour de lui. Le cortège commence son parcours mais dans une sorte de flottement. A l’avant, les slogans fusent « Monsanto, monde sans toi », « Ni dans nos champs, ni dans nos assiettes, tes OGM on n’en veut pas », « Monsanto, t’es foutu, les abeilles sont dans la rue ».
A l’arrière, la petite ruche continue de bourdonner autour du candidat Insoumis. Au milieu, Sophie Camard, la suppléante de Jean-Luc Mélenchon. Elle pousse son vélo électrique en remontant la Canebière et paraît un peu mal à l’aise. Elle n’est pas là en candidate, elle n’est pas en campagne, ou en tout cas, c’est plus discret. Elle se tient un peu à l’écart du petit cirque qui se joue dans son dos et semble plutôt ne pas le cautionner. Même si, dans une pratique maîtrisée de la langue de bois, elle refuse de le reconnaître. « Je suis un électron libre, je suis là en tant que citoyenne », explique-t-elle simplement.
La marche se poursuit, joyeuse, festive, motivée, et finalement plutôt indifférente à l’effervescence parallèle.
Certains aussi s’en réjouissent. Plus de monde, plus de visibilité, plus d’éclairage médiatique. Pourtant, à mi-parcours, Jean-Luc Mélenchon abandonne la marche. Avec lui se dispersent une bonne partie des journalistes qui le suivaient et la plupart des militants Insoumis qui l’entouraient. Le cortège se réduit d’un bon tiers. Et le coup de com ne fait plus aucun doute. La marche arrive devant la Préfecture. Etonnamment il n’y a aucune barrière sur le parvis, certains manifestants s’allongent au sol pour un die-in final.
Un policier en civil, enseigne police sur le ventre et mitraillette pendue le long du corps, observe la scène.
La manifestation est allée à son terme sans aucun incident, et son sens original ne s’est pas dilué : les citoyens agissent d’eux-mêmes et s’opposent aux multinationales qui entravent leur vie. Sans avoir besoin de recourir aux politiques pour leur tenir la main. Peut-être aussi est-ce le signe qu’il est temps de manifester non plus seulement contre les gouvernements et les projets de loi. Et que les luttes sociales impliquent aussi de s’élever contre tous ces géants industriels : Nestlé, Coca-Cola, Mac Donald’s, Danone, Sodexo, Veolia, Total, Areva, etc. La liste est longue. Un petit coup d’œil sur le site L’Observatoire des Multinationales pourra donner quelques idées. Peut-être est-ce là la bonne démarche.
Jan-Cyril Salemi
Mai 2017
Photos : Gaëlle Cloarec et Jan-Cyril Salemi