J’ai le plaisir de présenter, en écho à ce texte, une photo réalisée par Claire Chatelet.
Vous avez vu
Combien il faut penser dernièrement
Comme si toute la vie dehors
Les idées qui se répandent et chahutent l’air
D’ordinaire
Et qu’on apprend au vol, pour les filtrer dans le corps
Comme une brise qui fait tressaillir
On les pensera après,
Une fois rentrés
Mais là, non
Il faut penser tout de suite
On pense à tous ceux qui
Bien sûr, on y pense
Sincèrement
Mais tout de même,
Ça prend de la place toute cette pensée
Les soignants, les médecins,
Les au-front qui affrontent
Et penser à nous en même temps
Comme ils disent
Profitez-en pour penser à vous
Faire le point
Et avec ça, je vous rajoute trois livres de pensées
Des pensées roses et vertes et noires
Car je pense aussi
À ma propre pensée qui ne produit rien ou si peu
Pendant qu’eux,
Les profs, les livreurs
Continuent parce qu’il faut
Parce que sinon,
On aurait le temps de penser
Mais justement, le temps et la pensée
Se regardent en chiens de faïence,
Et Dieu sait que les chiens,
En ce moment, ils n’ont pas le temps de penser
Ils courent, ils courent,
Là aussi, penser à sortir
S’aérer, mangerbouger.fr
Et penser aux cinq légumes par jour
Via le petit producteur
Faut penser au petit producteur
Et encore j’ai pas d’enfants
De juke-box à faire marcher
Chaque demi-heure un nouveau disque
Mon temps est plutôt une cassette longue durée
A priori je devrais y entendre les silences
Mais il faut penser
Penser à panser
Ma maman
Mon amour
Mes amis
Mes envies
Moi, moi, moi
Avec le reste de la Terre
Chaque jour, une pensée
Oh pas plus que ça
Une pensée pour la santé
Une pensée pour la paix
C’est simple pourtant
Mais que c’est dur la simplicité
Tout le monde vous le dira
Essayez de faire simple
Avec toute cette pensée qui émerge
Qu’est-ce qu’il faudrait ?
Comment ne pas ?
Et si jamais on pouvait ?
Qui aurait pu ?
Et ce docteur-là,
Non ?
Il faudrait penser un peu l’après,
Mais le maintenant est déjà un jardin immense
Chaque fleur réclame son printemps
Et une attention qui coule à petits flots
Comme un clapotis incessant
Du temps qui passe
Du temps qui manque
Nourris-moi, nourris-moi !
Alors les idées entrent et sortent à grand débit
Ici des parterres d’images
Là des massifs de mots
Il faudrait le temps de tout lire
Tout comprendre
Et tout ressentir en même temps
La grosse gageure
Que j’aime le mot gageure
Mais on serait des machines
Et les machines, ça pense ?
Est-ce qu’une machine au repos, ça se repose ?
On pourrait peut-être leur demander
Faire comme elles
Les automates de la gare, tiens
Pas un chat,
Y aura-t-il encore des files d’attente,
Et des bips et des « avancez, s’il vous plaît »
Toute cette comédie de l’organisation
D’un coup plouf,
À l’arrêt,
Forcée de penser
Mais c’est quoi,
Sans que ce soit impensé,
L’inverse de penser ?