C’est l’histoire d’un kiosque…

C’EST L’HISTOIRE D’UN KIOSQUE

A Marseille, depuis quelques temps, les kiosques où nous achetions nos journaux disparaissent les uns après les autres. La faute à de lourdes charges et des revenus insuffisants.

Des étals déserts, des revues, des pochettes plastifiées en tas sur le macadam de La Plaine, côté Saint-Savournin. Devant le kiosque, un homme aux cheveux gris, la tête rentrée dans les épaules, rassemble ce qui reste de son lieu de travail pendant six ans.

A., 56 ans, part à regret, mais il est trop endetté. « On est bombardé de magazines sans intérêt qui ne se vendent pas et servent à tapisser les murs. Et on nous les facture. On est propriétaire du fond de commerce, mais on n’a pas le droit à la parole. C’est pas nous qui faisons les courses. Presstalis (un acteur majeur de la distribution de la presse et de sa commercialisation) dicte sa loi.» A un usager, il répond : « J’ai pas de journaux. J’ai arrêté la vente ». Le gars, plutôt guilleret, se tait soudain, embarrassé. A. reprend : « Il y a bien eu quelques actions devant la Préfecture, mais sans suite. Lever à 5h30, fermeture de la boutique à 18h, ça nous fait de belles journées.  J’ai négocié avec la SAD (Société d’Agence et de Diffusion) pour pouvoir honorer mes remboursements. Il baisse la tête, s’affaire. «C’est intenable».

1 C l'histoire d1 kiosque 2016 Article Qui vive 9.5.2017

Une femme entre deux âges, qui travaille «dans le milieu de la lecture et de l’imprimerie», se dit  «atterrée que la presse écrite diminue ». Une autre, de sa génération renchérit : «Dans le monde où on vit, ils sont en train de tout casser. Pas loin d’ici, ils ont aussi fermé une école, une bonne école. Les gens devraient acheter plus de journaux. Le kiosque de Notre-Dame-du-Mont a baissé le rideau, place Sébastopol pareil.» C’est vrai qu’on a vu fermer un à un des lieux familiers, dont ces kiosques qui ponctuaient les places des environs. Maintenant pour acheter son Canard enchaîné ou Libé, il faut souvent marcher, voire quitter l’arrondissement et pousser jusqu’à Castellane, Perier.

Le kiosquier continue à ranger sans un mot hormis pour saluer des gens qu’il connaît bien, qui s’arrêtent et s’interrogent. Un petit homme lance sur le ton de la rigolade : «Qu’est-ce qu’il y a ? C’est le grand nettoyage ?!» A. annonce : « C’est fini. Ce sera fermé demain aussi. Je fais l’inventaire depuis une semaine.» Autour, on s’étonne, on s’indigne, on s’attriste. « Je suis très surprise de cette nouvelle. Et pas sûre de comprendre pourquoi il ferme », dit une jeune femme bien mise. « Ce kiosque était très important pour les gens du quartier. Je n’achète pas toujours mais il a toujours un mot sympa quand je passe pour aller au travail. Ça fait du bien quand on n’a pas le moral

«Qu’est-ce que vous allez faire ?», demande quelqu’un. « J’en sais rien », répond l’ex-commerçant. Pudique, il se tourne vers les empilements derrière le comptoir et, s’efforçant de sourire, pirouette : «N’achetez pas de kiosque !»

Tzëelia CdR 11.4.2013
Article et photos sous Copyright

Ce texte fait écho à celui de Garaelle, consacré à la réouverture ponctuelle et illégale dudit kiosque. logo echo

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