Rénovation de La Plaine… L’odeur du mépris

Depuis 2016, nous savions que les travaux de la plaine devaient avoir lieu. (https://marsactu.fr/architecte-paola-vigano-rehabilitation-de-la-plaine/)

Nous sommes tous conscients, malgré les oppositions, qu’il fallait la rénover, la rafraîchir, la dégoudronner, la végétaliser, la rajeunir, la planifier et la pacifier. Mais à quel prix ? (https://www.lemoniteur.fr/ photo/marseille-la-place-de- la-plaine-ou-comment-rater-un- amenagement-que-tout-le-monde- attend.2003729/manifestation- contre-le-projet-d-amenagement-de-la-place-de-la plaine-a-marseille.1 )

Dès le départ, l’histoire sentait mauvais.

Paola Vigano, engagée autour de la participation et des concertations sérieuses, a très rapidement compris le jeu local des politiques d’aménagement malhonnêtes. Elle quitta l’équipe en 2017.

(https://marsactu.fr/paola-vigano-arrive-a-la-plaine-avec-des-idees/

https://marsactu.fr/bref/ larchitecte-paola-vigano-a-quitte-lequipe-du-projet-de- la-plaine/ )

2018, le début des travaux marqua le début de cette ZAD urbaine (Zone à Défendre), des libres expressions, des occupations, des questionnements, des échanges et le retour d’actions directes pour tous ceux qui se sont sentis écartés du projet. Et pour quels motifs ?

Tous étaient persuadés que cette machine bulldozer serait prête à tout raser. Être présent pour éviter la forte odeur du massacre à venir.

Je me souviens encore de cette matinée de tronçonneuse, sans sécurisation du chantier et au milieu des passants, où les arbres sont tombés.

La population en était proche, et au milieu des arbres malades, de nombreux arbres en bonne santé ont fait pleurer. Je me souviens de cette session photo, où je suis venu prendre en image ce qu’il ne faut plus faire… et des CRS venant me claquer l’épaule pour m’intimider.

La répression fut impressionnante, voire traumatisante. Quelle odeur de honte. 2019, l’odeur de la poussière pour cette fourmilière de la plaine.

Les ouvriers qui s’activent et se pressent pour livrer au plus vite, pendant que les commerçants et les habitants, vivants et curieux derrière ces grilles et ce mur de la honte, en mangent plein les poumons.

Et mes abeilles… mortes en 24h. Je me souviens de cette journée, pleine floraison de tilleul et un coup de fil… l’odeur du chimique.

Mes deux colonies mortes en même temps que ces traitements jaune poussin pulvérisés sur l’esplanade fraîchement finie.

J’ai donc appelé APS directement, demandé le paysagiste en charge du projet, pour soulever deux-trois problèmes et lui soumettre :

* La circulation dans la rue Terrusse qui doit absolument être montante, pour éviter des embouteillages non nécessaires, mais surtout relier facilement les deux écoles de la rue Saint Barthélémy. Ils ont certifié d’un grand OUI ; deux semaines après, la route passe montante. Et une semaine plus tard, les commerçants me parlent d’une future pétition car cette fameuse route est redevenue descendante. Elle l’est encore aujourd’hui et rien n’a changé.

* Des lumières allumées en journée. Des tests, c’est provisoire. Et aujourd’hui, chaque semaine, les lumières encore allumées. Vive la technologie LED.

* Des traitements chimiques et de la coïncidence avec la mortalité totale de mon cheptel. Pas nous, on n’utilise pas la chimie. Bien sûr, je suis daltonien et mon appareil photographie sûrement usé.

* Du système futur de brumisation autour de magnolia et de leur aménagement. Les magnolias sont fragiles et tous connectés les uns aux autres. L’aménagement est risqué. De plus, ce système de brumisation aussi proche des magnolias risque d’augmenter les moustiques et donc, les traitements chimiques au milieu des pollinisateurs invités par leur choix de palette végétale. Mais pour eux, non. Aucun risque. Mes 15 années de recherche et d’exercice professionnel et artistique autour de la terre, les arbres et des génies du vivant n’ont dû servir à rien.

Quelle odeur du déni. Absence de bon sens ou de compétences….

A mon retour en février 2020, imaginez mes surprises, non pas sur la rue Terrusse, les lumières allumées, non.

Quand j’installe gratuitement de la vie dans les cimetières (projet d’Articulture dans le cimetière de la petite commune de Villemort : deux œuvres d’arbres hommage à la vie), d’autres sont encore payés pour mettre un peu plus de mort et de cimetière dans nos villes.

* Les magnolias ont été séparés, blessés, grattés pour être habillés d’un tombeau en acier corten, sacrée mode, qui sera bien sûr, bien évidemment, un matériau froid en été et chaud en hiver, pour bien prendre soin du sol et des racines en si bonne santé. Le mal est ainsi fait et le non-sens a parlé. Espérons qu’ils soient forts et résistants pour s’en remettre et nous surprendre.

* Les jeux pour enfants, en résine et imitation bois, ressemblant plus à des arbres morts qu’à une forêt primaire. Comme un pied de nez aux luttes menées, aux habitants et militants accrochés et perchés, aux arbres coupés, aux plaidoyers écrits, cet aménagement questionne. Surtout actuellement sans les cordes et les filets qui j’espère, ne seront pas oubliés. Allez-y chers enfants, montez aux arbres, perchez vous comme papa et maman. Mais ne glissez pas.

Et dire que le 20 octobre 2018 était installée la cabane de la ZAD de Notre Dame des Landes, coupée à la tronçonneuse et arrachée par les forces de l’ordre. Et maintenant, une nouvelle cabane aux normes, livrée et installée au milieu des faux arbres morts. Méprisante cette odeur du mépris.

Mais rassurez-vous, le meilleur reste à venir. Hâte de voir leur nouvelle technologie de brumisateurs à l’œuvre, leur entretien, les odeurs, la moiteur et l’augmentation des moustiques.

Encore une boule puante pour remercier ce quartier si vivant et engagé.

Thomas Martin
Juin 2020

Dessin : La Plaine il y a quelques décennies, par Malika Moine