Le censeur en moi

« J’me souviens surtout d’ces moutons, effrayés par la liberté,
s’en allant voter par millions pour l’ordre et la sécurité. »
Renaud – Hexagone.

Une question : qu’y a t-il que vous ne supportez pas au point que vous chercheriez à l’interdire si vous en aviez le pouvoir ?

Dans la vie quotidienne, nous pouvons facilement observer ce qu’il en est en chacun de nous, car du pouvoir, nous en avons toujours un peu. Sur nos enfants, sur notre compagnon ou notre compagne, dans notre vie professionnelle, au sein de l’association ou du collectif dont nous faisons partie…

Mais nous identifions mieux le censeur chez les autres. En ce qui nous concerne, nous parlerons plus volontiers de causes justes, évidentes ou naturelles, bref, légitimes. Nanti de cette « légitimité », un tel s’offusquera ainsi à la simple idée que les homosexuels puissent adopter des enfants, un autre voudra interdire toutes les drogues, un autre encore entendra censurer tous propos sexistes.

La plupart d’entre nous avons des velléités de censure, généralement sur des sujets qui nous touchent pour des raisons personnelles.

Enfant, j’ai souffert d’être rejeté parce que différent, à l’école et dans ma famille. Aujourd’hui, le rejet de la différence m’insupporte. Alors j’enfourche mes immenses chevaux dés qu’il en est question, toujours prêt à le censurer dés que je le vois… ou crois le voir. J’en perds même mon sens de l’humour et du second degré.

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Je crois que rien n’empêche la montée d’une idée à partir du moment où elle est, disons, dans l’air du temps. La censure ne pourra pas l’éteindre, voire provoquera l’effet inverse. Tout ce que nous pourrons faire pour lutter, c’est promouvoir d’autres idées, et mieux encore, les incarner dans notre vie.

Certes, parfois, il peut devenir nécessaire d’interdire et de censurer, mais ce ne devrait être qu’un ultime recours, car c’est inefficace. Cela ne fait bien souvent que nourrir et renforcer ce contre quoi nous prétendons nous battre. Que l’on songe à l’interdiction du voile dans l’espace public1, l’interdiction de l’apologie du terrorisme2, ou encore l’interdiction de tenir des propos racistes3.

Nous sommes pourtant nombreux par les temps qui courent à pencher pour l’interdiction tout azimut, comme s’il s’agissait d’une sorte de remède magique contre nos peurs.

Personnellement je suis méfiant envers toute forme de censure.

Ne trouvez vous pas troublant le paradoxe suivant : aujourd’hui, une sorte d’autocensure pèse sur l’expression de nos opinions, nous faisons très attention à ce que nous allons dire, au point de ne plus dire grand chose finalement, tant nous avons peur de heurter ou d’être mal compris ; et dans le même temps, les pensées et les discours xénophobes, par exemple, semblent à l’inverse se libérer inexorablement en France, et plus seulement dans les milieux d’extrême droite ?

En bref, pendant que certains semblent être devenus incapables de s’exprimer, d’autres vocifèrent sans retenue.

A ce sujet, connaissez vous la théorie de la spirale du silence4 5?

Et l’autocensure sur les réseaux sociaux, ça vous parle6?