Plan(è)te

J’aime cette plante. Je sais même pas comment elle s’appelle. C’est peut-être un peu idiot d’aimer quelqu’un qu’on ne connaît pas, dont on ne sait même pas le nom. Mais c’est comme ça, je l’aime.

Elle est arrivée dans ma vie l’année dernière au printemps. À l’automne, elle était comme morte, partie, enfin, je le croyais ; mais elle est revenue en mai, voilà.

Et maintenant elle monte, elle monte, très fine, l’air fragile et pourtant manifestement forte pour tenir comme ça, si droite, en dépit du mistral d’ici. Je crois qu’elle se sent bien avec moi, car elle est déjà un peu plus haute que l’année dernière.

J’imagine qu’un jour elle va pousser jusqu’au plafond du balcon. Alors, je l’aiderai à passer sur le côté, pour qu’elle puisse continuer son ascension. Elle deviendra géante, passera devant le balcon de tous mes voisins du dessus éberlués, puis, mise en confiance par mon amour, elle filera droit vers le ciel.

C’est ma fille qui va être ravie quand elle rentrera de son voyage en Indonésie avec sa mère. Elle qui devait commencer à se demander si papa n’inventait pas toutes ces histoires incroyables qu’il lui racontait à tout bout de champ, que même ses copines aux CP lui disaient à chaque fois : « Pfff, c’est même pas possible ! »

À coup sûr elle voudra y grimper tout le temps, comme l’autre avec son haricot, et je vais devoir poser des règles strictes. Heureusement, j’y ai déjà réfléchi : « Tu dis bonjour quand tu passes devant le balcon d’un voisin, je veux pouvoir te voir avec des jumelles, si tu croises une géante tu lui adresses même pas la parole, et quand le soleil est plus là tu redescends tout de suite parce que ça veut dire qu’il est tard ou que tu es montée trop haut ».

Oui vraiment, je l’aime beaucoup cette plante, je crois en elle. D’ailleurs, il faudra que j’explique à ma fille qu’avec ce genre de plante, tout est possible. Si ça se trouve, elle va produire des fleurs qui parlent !

Eric Marquez
Juillet 2018