Les éditions marseillaises Le bruit du monde ont été fondées en 2021 par Marie-Pierre Gracedieu et Adrien Servières. C’est une petite maison d’édition chaleureuse, originale et qui nous fait voyager dans le monde et l’imaginaire. Entretien avec la co-fondatrice.
D’où est venue cette envie de créer une maison d’édition à Marseille ? Pourquoi ce nom, « Le bruit du monde »?
Nous trouvons que Marseille est un bon poste d’observation, c’est une ville pleine d’énergie, bouillonnante, peut-être un peu plus que Paris même si nous travaillons en étroite collaboration avec elle (notamment pour les relations avec les journalistes).
Nous avons choisi d’utiliser le mot bruit car c’est a la fois un mot qui gêne, qui dérange l’oreille, mais c’est quelque chose d’essentiel dans notre monde. C’est un singulier qui emmène autant de pluriels. « Écrire, c’est hurler en silence. »
Quelle est votre ligne éditoriale ? Comment sélectionnez-vous vos livres ?
Nous voulons emmener le lecteur dans une réalité à laquelle il est étranger, lui faire découvrir de nouveaux mondes, des personnages qui ne nous sont pas familiers, qui viennent par exemple d’une autre époque… Avec un usage des mots importants et une musique que vous n’avez encore jamais entendue. Le point de départ pour choisir un livre est d’avoir un coup de cœur. Ce qui nous importe, c’est de procurer avant tout du plaisir au lecteur à chacune de ses lectures.
Quel parcours professionnel avez-vous suivi pour devenir co-fondatrice ?
Je suis tout d’abord passée par une école de commerce puis j’ai arrêté et me suis redirigée vers des études de lettres. J’ai ensuite travaillé dans une petite maison d’édition à New York, puis dans deux grandes maisons d’édition renommées pendant 15 ans, Stock et Gallimard. C’est grâce à toutes ces expériences que l’on a pu créer cette nouvelle maison d’édition.
Quelles sont d’après vous les qualités qu’il faut posséder pour travailler dans une maison d’édition ?
C’est un métier passionnant mais qui demande beaucoup de temps, d’investissement, ce n’est pas le métier le plus simple. Je dirais qu’il faut faire preuve de persévérance, d’obstination.
Quelles sont les différences entre une petite et une grande maison d’édition ?
Une différence majeure est tout d’abord le nombre d’employés, nous ne sommes que trois salariés à temps plein, après, nous travaillons avec des collaborateurs indépendants. Dans les grandes maisons, ils sont beaucoup plus.
Par exemple, quand je travaillais chez Stock ou chez Gallimard, nous avions des tâches très spécialisées qui nous étaient assignées, contrairement à une petite maison d’édition où nous sommes plus polyvalents. La plus value d’une petite maison d’édition, c’est qu’il y a beaucoup plus de contacts humains, c’est une richesse.
Quelles sont les étapes pour pouvoir commercialiser un livre en librairie ?
Il y a de nombreuses étapes avant qu’un livre soit commercialisé. Tout d’abord, on reçoit les scripts ( 300 à 400 par mois ), on ne peut pas tout lire donc nous ne lisons en général que le début du livre ou nous le lisons en diagonale. Quand nous avons choisi le livre que nous voulons éditer, on discute avec l’écrivain de la cohérence de l’histoire, des modifications à apporter. Cela nous a pris six mois par exemple pour le livre Le bateau blanc de Xavier Bouvert.
En parlant de cohérence, nous sollicitons ensuite un préparateur de copie qui lit l’ouvrage et nous montre les incohérences présentes pour pouvoir les résoudre. Il faut également penser à la promotion, la prospection du livre, c’est une étape essentielle si ce n’est la plus importante. On présente donc un livre aux libraires, une centaine environ. Parfois nous n’avons que 10 à 20 secondes pour présenter un livre, il faut donc être très convaincant. Il faut également déterminer un tirage, par exemple 5000 ouvrages, qui seront livrés dans les librairies.
Que deviennent les livres quand ils ne sont pas vendus ?
Quand les livres ne sont pas vendus, ils sont renvoyés directement à la maison d’édition et nous devons rendre au libraire l’argent qu’il a utilisé pour acheter ces livres qui nous sont renvoyés. Il peut nous les renvoyer après trois mois après leur mise en rayon. Quand il nous reviennent, à la maison d’édition, soit ils sont envoyés dans d’autres librairies, soit nous les détruisons.
BONUS : Questions pour Noëlle Michel, autrice du livre Demain les ombres.
Noëlle Michel est traductrice et autrice vivant en Belgique. Elle a publié son premier roman Demain les ombres aux éditions “Le bruit du monde” le 5 janvier 2023.
D’où vient votre inspiration pour écrire vos livres ?
Noëlle : Je tire mon inspiration de sujets de société qui me perturbent et me questionnent. Pour moi, cette lecture est une lecture-plaisir. Il faut que ce soit une bonne histoire qui nous tienne en haleine mais cela ne suffit pas, il faut également un fond. Il faut pouvoir faire réfléchir le lecteur sur certaines questions ou thématiques.
Quel est votre processus d’écriture ?
Je dirais qu’il y a deux types d’auteurs :
En tout premier, il y a l’architecte, c’est celui qui est très précis et qui sait exactement quelle sera la fin du livre ou ce qu’il y aura écrit pour chaque chapitre. Il construit toute la structure au préalable. Nous avons ensuite le jardinier, c’est très différent de l’architecture. Lui, il plante une graine de départ puis la laisse pousser au fur et à mesure de l’écriture. Je me définirais comme une jardinière car je ne prévois pas forcément le dénouement de mon livre, je m’engage seulement vers une direction et je construis celui-ci au fur et à mesure de l’écriture.
Interviews réalisées par Paloma Descamps-Sicre et Lise Marin, le 14 février 2024
Cet article a été conçu par deux élèves du lycée Saint-Charles à Marseille. Il s’inscrit dans le cadre d’un atelier journalisme animé par des membres de l’équipe de Qui Vive (Gaëlle Cloarec et Jan-Cyril Salemi) pendant l’année scolaire 2023-2024.