Un vent d’engagement

Le 17 novembre dernier avait lieu au lycée Saint-Charles de Marseille la Journée de la sensibilisation et de l’engagement. Retour, par des élèves, sur un événement qui leur a donné de l’espoir.

Une élève en train de laisser l’empreinte de sa main autour de la planète Terre © Maxime Sensier-Schuch

C’est une première dans l’histoire du lycée Saint-Charles : une journée de sensibilisation sur le féminisme, les migrants, la cause LGBTQIA+, la précarité et l’écologie. Contrairement aux Eco Day, qui sont organisés chaque année, mais qui comme leur nom l’indique ne traitent que du sujet de l’écologie. Plus de 800 élèves, 20 professeurs et 10 intervenants locaux étaient présents ce vendredi 17 novembre, pour l’ouverture de la première “Journée de la sensibilisation et de l’engagement” (aka “Awareness Day”) organisée au lycée général et technologique St-Charles. En quoi consiste-t-elle exactement ? Qui l’organise ? Bien plus, en quoi donne-t-elle de l’espoir face aux enjeux planétaires actuels ? Découvrez dans ce reportage inédit cette journée toute sauf banale !

Planète Terre réalisée par les élèves du lycée Saint-Charles 17 novembre 2023 © Maxime Sensier-Schuch
Planète Terre réalisée par les élèves © Maxime Sensier-Schuch

Les lycéens à l’honneur
Le projet audacieux de banaliser une journée entière dans l’emploi du temps des élèves est initialement porté par les membres de l’Awareness club du lycée Saint-Charles. L’organisation a été minutieusement préparée des semaines à l’avance : de la réservation de salle aux nombreux coups de fil passés aux associations locales. Si cette journée a donc tout d’abord été imaginée par le club, l’investissement des élèves bénévoles, des associations ainsi que du personnel du lycée a également joué un rôle essentiel dans la tenue de celle-ci. L’objectif est simple : sensibiliser les jeunes aux différentes manières de s’engager pour les causes qui leur tiennent à cœur. Comment ? En proposant plusieurs activités sur la base du volontariat, classées dans les cinq thèmes retenus par le club : l’écologie, la migration, les droits LGBTQIA+, les droits des femmes et enfin la solidarité face à la précarité.

Un village au lycée
Nous ne pouvons qu’affirmer que cet objectif a été atteint. En effet, le tableau d’inscription en ligne dépassait les 800 élèves inscrits. Ce chiffre, nous le devons en partie à la facilité d’inscription via un tableau Excel partagé, à la clarté des informations véhiculées ainsi qu’à l’encouragement des professeurs à faire participer leurs élèves à l’événement. Quoi qu’il en soit, tous les ateliers ont rencontré un public intéressé et motivé. Mais quid de ces ateliers ? En quoi consistaient-ils véritablement ?

Les ateliers étaient aussi variés que les manières de s’engager. Tout d’abord, les élèves inscrits ont pu déambuler dans le “Village des associations”, mis en place dans la salle polyvalente. Ici, l’objectif était d’instaurer un moment d’échange et de découverte entre les lycéens et les associations marseillaises. Nous comptions parmi les présents Amnesty International, La Cimade, ou bien encore deux intervenantes du programme Women for Women. Ce dernier est une organisation internationale visant à accompagner au mieux les femmes victimes de violences conjugales en les encadrant dans leur procédure de divorce ou bien en leur apportant du soutien financier et/ou psychologique. Pour les plus endurants, une formation pour devenir animateur de la fameuse Fresque du climat était proposée de 9h à 12h.

En tout cas, les élèves se sont prêtés au jeu du “village” avec succès et certains repartent avec les flyers des associations qui les ont intéressés. Un éventuel engagement en perspective ?

Se mettre à la place des autres
Si l’on préfère rester assis, des tables rondes sur l’engagement citoyen ou bien un débat sur la migration étaient également au rendez-vous. Une activité a retenu notre attention : il s’agit d’un jeu de société sur le thème des migrations développé par La Cimade. Initialement fondée dans les années 40 pour venir en aide aux populations fuyant la guerre, l’association évolue à présent avec les enjeux de notre monde contemporain pour encadrer au mieux l’arrivée des migrants.

A la façon d’un jeu de l’oie, le jeu Parcours de migrant·e·s invite à se lancer dans l’itinéraire de personnes quittant leur pays pour venir (re)construire leur vie en France. Aujourd’hui, cinq trajectoires d’exilés venus d’horizons très différents nous sont proposées : Mehdi, marocain demandant un permis de séjour pour assister au mariage de son frère, Manoella, étudiante brésilienne souhaitant poursuivre sa formation en France, la famille roumaine Luca, le jeune Afghan Ahmed fuyant l’enrôlement forcé des talibans et enfin, Pauline menacée de mort dans son pays natal, en république du Congo.

On pourrait utiliser cet argent autrement, pour les accompagner par exemple
– une participante au jeu Parcours de migrant·e·s –

L’objectif pédagogique de ce jeu est double : que les joueuses et les joueurs prennent conscience des obstacles rencontrés par les personnes étrangères pour vivre dignement en France ; et informer sur les droits des personnes migrantes, tout en déconstruisant certains préjugés relatifs à ces droits. En effet, “on se rend compte qu’ils ne sont même pas égaux avant de rentrer en France, certains sont membres de l’UE, d’autres arrivent en France par le biais des passeurs” témoigne un élève incarnant la famille Luca. “Je suis choquée, l’Etat français paie 20 000 euros par migrant pour les renvoyer dans leur pays d’origine !” s’indigne une autre lycéenne à l’autre bout de la table, “on pourrait utiliser cet argent (…) pour les aider”.

Comme nous pouvions nous y attendre, le hasard des dés – ou bien des lois françaises sur l’immigration ! – impose très vite des OQTF (Obligation de quitter le territoire français) à la plupart des joueurs. Cette partie d’une heure et demie s’achève sans qu’aucun des personnages ne puisse être autorisé à rester légalement sur notre territoire. Un bien triste reflet de la réalité… qui cependant fait germer un air d’engagement dans les esprits. “C’est bien de proposer de l’aide aux devoirs, mais dorénavant, j’aimerais vraiment pouvoir donner des cours de français à ces personnes” se confie par exemple une joueuse et organisatrice, Sidonie.

Vent, gants et râteaux
Enfin, les élèves ont eu l’occasion de s’engager concrètement au lycée en participant au troc de vêtements, à la confection d’affiches contre les stéréotypes ou bien de ratisser la terre proche du stade en vue d’un futur projet de potager. C’est l’une des activités extérieures qui a attiré le plus de curieux, et malgré le vent considérable, la bonne humeur était au rendez-vous ! Au total, 8 sacs poubelles d’aiguilles de pin et de mauvaises herbes ont été remplis sous le regard enjoué de Lucile Pretini, membre du club potager.

Un peu plus loin, nous pouvons voir une planète Terre peinte à même le goudron entourée des empreintes de mains de toutes les couleurs des élèves participants. A la manière des fresques-slogans réalisées à la craie sur les murs du lycée, elle restera encore bien après la fin de la journée, tout comme le message de solidarité qu’elle véhicule.

C’est en faisant des projets main dans la main avec les élèves et les professeurs que l’on se rend compte qu’ensemble, on peut aller loin.
– une lycéenne –

Une des responsables du club potager montrant les éléments à défricher © Maxime Sensier-Schuch

TÉMOIGNAGES DE CETTE JOURNÉE

Afin d’alimenter ce dossier, l’équipe journalistique a réalisé diverses interviews :

Paloma Descamps-Sicre : Aujourd’hui, es-tu participant ou organisateur ?

Joseph Wallaert : J’étais un petit peu des deux, en fonction des ateliers.

Lucile Pretini : Moi j’étais organisatrice, plus spécifiquement dans l’atelier jardinage et Migrations.

Es-tu engagé(e) ou participes-tu à des actions écologiques ou d’autres thématiques ?

JW : En dehors de l’Awareness day, je suis également un éco-délégué de ma classe. Sinon, je me borne à éteindre la lumière quand je sors d’une pièce, et à faire attention aux mots que j’utilise envers tous ceux qui sont susceptibles de subir des discriminations, exclusions, violences…

LP : J’appartiens au PRJ (Parlement Régional de la Jeunesse), dans la section développement durable. On essaye de mettre en place des projets écologiques. Sinon je suis aussi investie dans l’Awareness club du lycée.

Quel(s) atelier(s) as-tu animé ?

JW : J’étais supposé animer l’atelier interactif sur les violences faites aux femmes avec des intervenantes de La Maison Des Femmes. Merci à elles. Je me suis porté volontaire pour cet atelier après une intense réflexion pour déterminer laquelle des causes à soutenir me semblait la plus importante. J’ai fini par arriver à la conclusion que les femmes représentaient environ la moitié de la population et que je devais me décider si je ne voulais pas choisir à pile-ou-face.

J’ai aussi participé à l’eco-lunch, en apportant de la nourriture et en aidant à la vente. J’apprécie faire la cuisine et j’avais du temps libre pour aider à installer la vente.

LP : J’ai tout d’abord aidé à la mise en place du village des associations. J’ai ensuite surtout téléphoné à La Cimade afin qu’ils puissent intervenir aujourd’hui à l’atelier “Parcours de migrants” de 10h à 12h ! J’ai également avec des amies présenté le nouveau projet potager aux élèves intéressés.

Penses-tu que cette journée ait poussé les lycéens à s’engager ou s’intéresser aux thèmes qui ont été développés aujourd’hui ?

JW : C’est difficile à dire. Beaucoup d’élèves ne se sont inscrits à aucun atelier pour des raisons qui les regardent. Pour tous ceux qui se sont inscrits, certains ont sûrement découvert ou pris pleinement conscience des causes à défendre. Durant l’atelier table ronde autour du thème de l’engagement citoyen, plusieurs moyens de s’engager ont été mentionnés : dans des associations proches, seul, ou même dans le lycée. D’autres ateliers plus spécifiques ont aussi contribué à éveiller des consciences. Il est donc assez certain pour moi que cette journée a beaucoup inspiré DES élèves, ce qui est déjà beaucoup. De là à dire qu’elle a poussé LES lycéens à s’engager… En tout cas, je suis sûr qu’un progrès a été fait.

LP : De ma perspective, je pense que cette journée était très efficace, cela a permis de montrer concrètement les différentes manières de s’engager, de changer les choses à leur échelle. On a touché plus d’élèves que ce que je croyais ! J’ai remarqué que la bonne humeur était contagieuse, beaucoup d’élèves sont sortis des ateliers, plus informés et plus énergiques !

Si tu devais définir cette journée en 3 mots, quels seraient-ils ?

JW : Je dirais que cet Awareness Day était intéressant, utile et et venteux.

LP : Ouhla, comment me décider ! Je penserai aux mots “prise de conscience”, “écologie” et “causes” !


Poster contre les stéréotypes © Maxime Sensier-Schuch

Voici ensuite un témoignage de Robin Naël. Il est bénévole au sein de l’association marseillaise Pas Peu Fière qui lutte pour l’épanouissement des personnes LGBTQIA+ :

Quels étaient vos motivations pour participer à cette journée ?

RN : C’était avant tout d’échanger avec les jeunes, de discuter, de répondre à leurs questions et de faire connaître cette association. Comme le porte bien le nom de cette journée, l’objectif était de sensibiliser les lycéens.

En quoi est-il important de s’adresser à des lycéens ?

RN : Les lycéens sont souvent des acteurs très engagés dans les associations, ce sont les nouvelles générations. Si elles sont bien informées, elles peuvent être plus tolérantes et pourront plus tard ou même aujourd’hui sensibiliser leur entourage sur plein de sujets. Ils permettent d’apporter de la positivité et du renouveau.

Quel est le bilan de cette journée ?

RN : C’est un bilan très positif de mon point de vue. Les stands ont permis à un grand nombre de personnes de découvrir différentes associations, l’atelier confection de posters contre les stéréotypes était très intéressant. Il y avait, je cite, « une bonne vibe et une belle motivation« .

Y aura-t-il des projets suite à cette journée avec des lycéens dans notre établissement ou à l’extérieur ?

RN : Il y a des interventions de 2 heures possibles dans les établissements mais il y a plutôt une envie de co-construire un projet avec des lycéens motivés durant l’année.

Enfin, décrivez cette journée en trois mots :

RN : Ce serait les mots curiosité, engagement et jeunesse.


Conclusion, et un message d’espoir

Pour conclure, au vu des mines fatiguées mais réjouies des organisateur·ices, la journée fut épuisante, mais lourde de sens ! Le lycée, déjà démarqué pour son engagement, signe ici une nouvelle réussite. Enfin, le journal de l’établissement a mis en place un questionnaire de satisfaction en ligne afin de pouvoir se faire une idée de ce qui a motivé les élèves, ainsi que de ce qui pourrait être amélioré dans les années à venir… Particulièrement, en vue du prochain évènement phare du club de la sensibilisation : l’Eco-Day, au printemps 2024.
Au final, même si cet événement ne fait pas disparaître l’intégralité des fléaux de nos sociétés (!), c’est tout de même un message d’espoir porté par la prochaine génération face aux enjeux touchant le monde entier, et ce, à différentes échelles. Qui sait, peut-être que d’autres élèves organiseront leur propre journée de la sensibilisation dans d’autres lycées français ?


Un dossier réalisé par Sidonie Saive à la rédaction, interviews Paloma Descamps-Sicre, relecture Oscar Hagel, avec les photographies de Maxime Sensier-Schuch.
Le 26 novembre 2023

Ce reportage a été entièrement conçu et réalisé par des élèves du lycée Saint-Charles à Marseille. Il s’inscrit dans le cadre d’un atelier journalisme animé par des membres de l’équipe de Qui Vive (Gaëlle Cloarec et Jan-Cyril Salemi) pendant l’année scolaire 2023-2024.

Pour aller plus loin :
SOS Méditerranée, 17  écrivains s’engagent,  Gallimard 2022
Le Monde est une vallée, Stéphane Foucart, Buchet-Chastel 2023

Et La Maison des femmes à Marseille : https://www.lamaisondesfemmes.fr/